Agrivoltaïsme : conjuguer production d’énergie solaire et agriculture durable

Définition de l’agrivoltaïsme
L’agrivoltaïsme, ou agrovoltaïsme, est une pratique innovante qui consiste à associer sur une même surface la production d’énergie photovoltaïque et l’activité agricole. Ce concept s’inscrit pleinement dans la dynamique de la transition énergétique, cherchant à optimiser l’usage des terres agricoles tout en contribuant à la décarbonation de notre mix énergétique. Contrairement aux installations photovoltaïques classiques au sol qui peuvent concurrencer l’usage agricole, les systèmes agrivoltaïques sont conçus pour préserver, voire améliorer, la productivité des cultures ou des élevages.
Inventé au Japon au début des années 2010 et popularisé plus tard en Europe, ce concept repose sur l’installation de panneaux solaires surélevés, positionnés de manière à laisser passer la lumière nécessaire à la photosynthèse. Il vise un double bénéfice : produire une énergie verte et soutenir une agriculture durable en limitant les effets du changement climatique.
Les différents types de dispositifs agrivoltaïques
Il existe plusieurs formes d’installations agrivoltaïques, selon l’objectif agricole et les contraintes du terrain. Les configurations les plus courantes sont :
- Les structures fixes surélevées : des panneaux fixes installés à une hauteur suffisante pour permettre le passage des machines agricoles et la croissance des cultures en dessous.
- Les systèmes mobiles ou orientables : à l’aide de trackers solaires ou de dispositifs motorisés permettant d’ajuster l’inclinaison ou l’orientation des panneaux selon la luminosité ou les besoins spécifiques des plantes.
- Les serres photovoltaïques : intégrant des panneaux en toiture, elles combinent effet de serre contrôlé et production d’électricité.
Le choix du type de dispositif dépendra de multiples facteurs tels que le type de culture, la zone climatique, l’orientation du terrain, ou encore les besoins énergétiques de l’exploitation.
Intérêts agronomiques et environnementaux
L’un des atouts majeurs de l’agrivoltaïsme réside dans sa capacité à agir comme un régulateur microclimatique pour les terres cultivées. Grâce à l’ombrage partiel généré par les panneaux, on observe :
- une baisse du stress hydrique pour certaines cultures sensibles à la sécheresse,
- une réduction de l’évapotranspiration et donc une moindre consommation en eau,
- une température plus modérée au sol, favorable à certaines espèces végétales,
- une protection contre les intempéries extrêmes, telles que la grêle ou les coups de soleil végétaux.
Ces effets peuvent se traduire par un maintien, voire une amélioration, du rendement agricole dans certaines conditions. De plus, en valorisant les surfaces agricoles pour produire de l’électricité, l’agrivoltaïsme contribue à limiter l’artificialisation des sols et soutient la préservation des espaces naturels.
Enjeux pour les agriculteurs
Du point de vue de l’exploitant, l’agrivoltaïsme peut représenter une source de revenus complémentaire, notamment à travers la vente d’électricité produite ou un loyer versé par un opérateur énergétique. Cela peut permettre aux agriculteurs de financer la modernisation de leur équipement, l’adaptation au changement climatique ou la diversification de leur activité.
Il est cependant essentiel que les projets respectent la primauté de l’usage agricole : les installations doivent être conçues en étroite collaboration avec les agriculteurs pour garantir la compatibilité avec la pratique culturale et éviter toute perte de productivité. L’agrivoltaïsme ne doit pas participer à la spéculation foncière ni à la dégradation des sols.
Cadre réglementaire en France
La France encadre désormais de manière plus précise le développement de l’agrivoltaïsme. Depuis 2023, une définition légale encadre cette pratique dans le code de l’énergie, reconnaissant l’agrivoltaïsme comme une activité énergétique en synergie avec une production agricole.
Les autorités exigent que toute installation agrivoltaïque :
- n’entrave pas la vocation agricole du terrain,
- apporte une amélioration ou au minimum un maintien de la production agricole,
- soit réversible, c’est-à-dire démontable sans détérioration des sols,
- prévoit un suivi agronomique et énergétique régulier,
- soit validée par les autorités compétentes en agriculture et en énergie.
Ainsi, le développement de projets agrivoltaïques requiert souvent une analyse d’impact, un partenariat clair entre exploitants et opérateurs, ainsi qu’une transparence totale sur les données de production agricole et photovoltaïque.
Cas pratiques et retours d’expérience
En France, plusieurs projets pilotes ont démontré le potentiel de l’agrivoltaïsme :
- Dans le département du Gers, une exploitation viticole a installé des panneaux solaires orientables au-dessus de ses vignes. Résultat : une réduction notable de l’évaporation de l’eau et une amélioration de la qualité des raisins malgré les pics de chaleur.
- En Bretagne, une ferme laitière bénéficie d’une ombrière photovoltaïque abritant ses pâturages pour bovins : gains en bien-être animal et fourniture d’énergie pour l’autoconsommation de la laiterie.
- Dans les Alpes-de-Haute-Provence, une culture maraîchère sous panneaux translucides a permis de prolonger la saison de culture de plusieurs semaines en limitant les amplitudes thermiques.
Ces exemples illustrent la capacité de l’agrivoltaïsme à s’adapter à différentes filières et environnements, en apportant des solutions concrètes face aux défis du réchauffement climatique et de la souveraineté énergétique.
Perspectives d’avenir
L’agrivoltaïsme s’impose progressivement comme une réponse pertinente aux enjeux conjugués de sécurité alimentaire, de résilience agricole et de transition énergétique. Toutefois, son déploiement doit être opéré avec discernement, sur la base de critères techniques, économiques et écologiques rigoureux. Il est primordial de continuer à documenter les retours d’expérience pour mieux identifier les meilleures pratiques et modéliser les impacts à long terme sur les systèmes agricoles.
D’un point de vue institutionnel, les collectivités territoriales, chambres d’agriculture, agences de l’énergie et structures de recherche ont un rôle déterminant à jouer dans l’accompagnement de ces projets, en assurant une bonne coordination entre besoins du terrain et stratégies énergétiques locales.
Enfin, pour les particuliers, les professionnels de l’agriculture et les institutions, l’agrivoltaïsme représente une opportunité stratégique : produire plus intelligemment, en harmonie avec les cycles du vivant et les impératifs du développement durable.